Ce long poème intitulé « La Nuit », que je traduirai peu à peu, constitue la première partie de la première section des Chants Orphiques, elle-même intitulée « La Nuit ».
LA NUIT (§ 1-3)
Je me rappelle une vieille cité, rouge de murs et de tours hérissée, brûlée sur la plaine infinie exterminée dans l’Août torride, avec la lointaine fraîcheur de collines vertes et molles sur le fond. Arches énormément vides de ponts sur le fleuve marécageux par maigres stagnations plombées : silhouettes noires de gitans mobiles et silencieuses sur la rive : à travers le scintillement lointain d’une cannaie lointaines formes nues d’adolescents et le profil et la barbe judaïque d’un vieillard : et tout à coup du milieu de l’eau morte les gitanes et un chant, du marécage aphone une nénie primordiale monotone et irritante : et du temps fut suspendu le cours.
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Inconsciemment je levai les yeux vers la tour barbare qui dominait la très longue allée de platanes. Au-dessus du silence devenu intense elle revivait son mythe lointain et sauvage : tandis que par visions lointaines, par sensations obscures et violentes un autre mythe, lui aussi mystique et sauvage me revenait par instants à l’esprit. Là-bas avaient traîné leurs longues robes mollement vers la splendeur vague de la porte les promeneuses, les antiques : la campagne alors s’engourdissait dans le lacis des canaux : de très jeunes filles aux coiffures agiles, aux profils de médailles, disparaissaient par instants sur les charrettes derrière les virages verts. Un coup de cloche argentin et doux d’éloignement : le Soir : dans la petite église solitaire, à l’ombre des modestes nefs, moi j’étreignais Elle, aux chairs rosées et aux yeux enflammés fugitifs : des années des années et des années fondaient dans la douceur triomphale du souvenir.
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Inconsciemment celui que j’avais été se trouvait conduit vers la tour barbare, la mythique gardienne des rêves de l’adolescence. Il montait au silence des très antiques ruelles le long de murs d’églises et de couvents : on n’entendait pas le bruit de ses pas. Une placette déserte, masures écrasées, fenêtres muettes : à côté dans un éclair énorme la tour, octocuspide rouge impénétrable aride. Une fontaine du seizième siècle se taisait tarie, la pierre brisée au milieu de son commentaire latin. Une route rocailleuse et déserte se déroulait vers la cité.
Dino Campana, extrait du début des Canti orfici, traduit par Irène Gayraud.
LA NOTTE (§ 1-3)
Ricordo una vecchia città, rossa di mura e turrita, arsa su la pianura sterminata nell’Agosto torrido, con il lontano refrigerio di colline verdi e molli sullo sfondo. Archi enormemente vuoti di ponti sul fiume impaludato in magre stagnazioni plumbee: sagome nere di zingari mobili e silenziose sulla riva: tra il barbaglio lontano di un canneto lontane forme ignude di adolescenti e il profilo e la barba giudaica di un vecchio: e a un tratto dal mezzo dell’acqua morta le zingare e un canto, da la palude afona una nenia primordiale monotona e irritante: e del tempo fu sospeso il corso.
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Inconsciamente io levai gli occhi alla torre barbara che dominava il viale lunghissimo dei platani. Sopra il silenzio fatto intenso essa riviveva il suo mito lontano e selvaggio: mentre per visioni lontane, per sensazioni oscure e violente un altro mito, anch’esso mistico e selvaggio mi ricorreva a tratti alla mente. Laggiù avevano tratto le lunghe vesti mollemente verso lo splendore vago della porta le passeggiatrici, le antiche: la campagna intorpidiva allora nella rete dei canali: fanciulle dalle acconciature agili, dai profili di medaglia, sparivano a tratti sui carrettini dietro gli svolti verdi. Un tocco di campana argentino e dolce di lontananza: la Sera: nella chiesetta solitaria, all’ombra delle modeste navate, io stringevo Lei, dalle carni rosee e dagli accesi occhi fuggitivi: anni ed anni ed anni fondevano nella dolcezza trionfale del ricordo.
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Inconsciamente colui che io ero stato si trovava avviato verso la torre barbara, la mitica custode dei sogni dell’adolescenza. Saliva al silenzio delle straducole antichissime lungo le mura di chiese e di conventi: non si udiva il rumore dei suoi passi. Una piazzetta deserta, casupole schiacciate, finestre mute: a lato in un balenìo enorme la torre, otticuspide rossa impenetrabile arida. Una fontana del cinquecento taceva inaridita, la lapide spezzata nel mezzo del suo commento latino. Si svolgeva una strada acciottolata e deserta verso la città.