Le début du poème est disponible ici : § 1-3, § 4-5, § 6-7, § 8-9.
LA NUIT (10-12)
Se montraient aux portails d’argent des premières aventures les antiques images adoucies par une vie d’amour pour me protéger encore de leur sourire à la mystérieuse tendresse enchanteresse. S’ouvraient les salles closes où la lumière coule égale tout au fond des miroirs à l’infini, tandis qu’apparaissent les images aventureuses des courtisanes dans la lumière des miroirs pâlies dans leur attitude de sphinges : et encore tout ce qui était aride et doux, défleuries les roses de la jeunesse, venait revivre sur le panorama squelettique du monde.
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Dans l’odeur de poudre du soir de foire, dans l’air les restes de clameur stridente, je voyais les très antiques jeunes filles de la première illusion se profiler à demi les ponts jetés de la cité au faubourg dans les soirs de l’été torride : tournées de trois-quarts, entendant du faubourg la clameur stridente qui s’accentue annonçant les langues de feu des lampes inquiètes de percer l’atmosphère chargée de lumières orgiaques : à présent adoucies : dans le ciel déjà mort douces et rosées, allégées d’un voile : ainsi que Sainte Marthe, brisés à terre les instruments, ayant pris fin sur les paysages toujours verts le chant que Sainte Cécile accorde au ciel latin, douce et rosée auprès du crépuscule antique dans la ligne héroïque de la grande figure féminine romaine s’immobilise. Souvenirs de gitanes, souvenirs d’amours lointaines, souvenirs de sons et de lumières : fatigues d’amour, fatigues soudaines sur le lit d’une taverne lointaine, autre berceau aventureux d’incertitude et de regret : ainsi ce qui encore était aride et doux, défleuries les roses de la jeunesse, surgissait sur le panorama squelettique du monde.
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Dans le soir des feux de la fête d’été, dans la lumière délicieuse et blanche, quand nos oreilles reposaient à peine dans le silence et nos yeux étaient fatigués des girandoles de feu, des étoiles multicolores qui avaient laissé une odeur de poudre, une vague pesanteur rouge dans l’air, et la marche côte-à-côte nous avait alanguis en nous exaltant d’une nôtre trop différente beauté, elle fine et brune, pure d’yeux et de visage, perdu le scintillement du collier au cou nu, marchait à présent par instants inexperte en serrant l’éventail. Elle fut attirée vers la baraque : sa légère robe blanche parsemée de fins accros azurs ondoya dans la lumière diffuse, et moi je suivis sa pâleur marquée sur son front par la frange nocturne de ses cheveux. Nous entrâmes. Des visages bruns d’autocrates, rassérénés par l’enfance et la fête, se tournèrent vers nous, profondément limpides dans la lumière. Et nous regardâmes les vues. Tout était d’une irréalité spectrale. Il y avait des panoramas squelettiques de cités. Des morts bizarres regardaient le ciel en poses ligneuses. Une odalisque en caoutchouc respirait faiblement et promenait alentour ses yeux d’idole. Et l’odeur aiguë de la sciure qui feutrait les pas et le chuchotis des demoiselles du pays ébahies de ce mystère. « C’est comme ça Paris ? Et voilà Londres. La bataille de Muckden ». Nous regardions alentour : il devait être tard. Toutes ces choses vues par les yeux magnétiques des lentilles dans cette lumière de songe ! Immobile près de moi je la sentais devenir lointaine et étrangère, tandis que son charme s’approfondissait sous la frange nocturne de ses cheveux. Elle bougea. Et je sentis avec une pointe d’amertume tôt consolée que plus jamais je ne serais proche d’elle. Je la suivis donc comme on suit un rêve que l’on aime en vain : ainsi étions-nous devenus tout à coup lointains et étrangers après le vacarme de la fête, devant le panorama squelettique du monde.
Dino Campana, extrait des Canti Orfici, traduit par Irène Gayraud.
LA NOTTE (10-12)
Si affacciavano ai cancelli d’argento delle prime avventure le antiche immagini, addolcite da una vita d’amore, a proteggermi ancora col loro sorriso di una misteriosa incantevole tenerezza. Si aprivano le chiuse aule dove la luce affonda uguale dentro gli specchi all’infinito, apparendo le immagini avventurose delle cortigiane nella luce degli specchi impallidite nella loro attitudine di sfingi: e ancora tutto quello che era arido e dolce, sfiorite le rose della giovinezza, tornava a rivivere sul panorama scheletrico del mondo.
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Nell’odore pirico di sera di fiera, nell’aria gli ultimi clangori, vedevo le antichissime fanciulle della prima illusione profilarsi a mezzo i ponti gettati da la città al sobborgo ne le sere dell’estate torrida: volte di tre quarti, udendo dal sobborgo il clangore che si accentua annunciando le lingue di fuoco delle lampade inquiete a trivellare l’atmosfera carica di luci orgiastiche: ora addolcite: nel già morto cielo dolci e rosate, alleggerite di un velo: così come Santa Marta, spezzati a terra gli strumenti, cessato già sui sempre verdi paesaggi il canto che il cuore di Santa Cecilia accorda col cielo latino, dolce e rosata presso il crepuscolo antico ne la linea eroica de la grande figura femminile romana sosta. Ricordi di zingare, ricordi d’amori lontani, ricordi di suoni e di luci: stanchezze d’amore, stanchezze improvvise sul letto di una taverna lontana, altra culla avventurosa d’incertezza e di rimpianto: così quello che ancora era arido e dolce, sfiorite le rose de la giovinezza, sorgeva sul panorama scheletrico del mondo.
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Ne la sera dei fuochi de la festa d’estate, ne la luce deliziosa e bianca, quando i nostri orecchi riposavano appena nel silenzio e i nostri occhi erano stanchi de le girandole di fuoco, de le stelle multicolori che avevano lasciato un odore pirico, una vaga gravezza rossa nell’aria, e il camminare accanto ci aveva illanguiditi esaltandoci di una nostra troppo diversa bellezza, lei fine e bruna, pura negli occhi e nel viso, perduto il barbaglio della collana dal collo ignudo, camminava ora a tratti inesperta stringendo il ventaglio. Fu attratta verso la baracca: la sua vestaglia bianca a fini strappi azzurri ondeggiò nella luce diffusa, ed io seguii il suo pallore segnato sulla sua fronte dalla frangia notturna dei suoi capelli. Entrammo. Dei visi bruni di autocrati, rasserenati dalla fanciullezza e dalla festa, si volsero verso di noi, profondamente limpidi nella luce. E guardammo le vedute. Tutto era di un’irrealtà spettrale. C’erano dei panorami scheletrici di città. Dei morti bizzarri guardavano il cielo in pose legnose. Una odalisca di gomma respirava sommessamente e volgeva attorno gli occhi d’idolo. E l’odore acuto della segatura che felpava i passi e il sussurrio delle signorine del paese attonite di quel mistero. «È così Parigi? Ecco Londra. La battaglia di Mukden.» Noi guardavamo intorno: doveva essere tardi. Tutte quelle cose viste per gli occhi magnetici delle lenti in quella luce di sogno! Immobile presso a me io la sentivo divenire lontana e straniera mentre il suo fascino si approfondiva sotto la frangia notturna dei suoi capelli. Si mosse. Ed io sentii con una punta d’amarezza tosto consolata che mai più le sarei stato vicino. La seguii dunque come si segue un sogno che si ama vano: così eravamo divenuti a un tratto lontani e stranieri dopo lo strepito della festa, davanti al panorama scheletrico del mondo.