Autour de Dino Campana

Le début du poème est disponible ici : § 1-3, § 4-5, § 6-7, § 8-9, § 10-12, § 13.

LA NUIT (§ 14)

Faust était jeune et beau, il avait les cheveux bouclés. Les Bolonaises ressemblaient alors à des médailles syracusaines et la coupe de leurs yeux était si parfaite qu’elles aimaient sembler immobiles pour contraster harmonieusement avec les longues boucles brunes. Il était facile de les rencontrer le soir par les ruelles sombres (la lune illuminait alors les rues) et Faust levait les yeux vers les cheminées des maisons qui dans la lumière de la lune semblaient des points d’interrogation et il demeurait pensif au traînement de leurs pas qui s’atténuaient. Depuis la vieille taverne à voûtes qui rassemblait les lycéens il lui plaisait d’entendre entre les calmes conversations de l’hiver bolonais, froid et nébuleux comme le sien, et le craquement des bûches sèches et le tremblement de la flamme sur l’ocre des voûtes les pas pressés sous les arcades proches. Il aimait alors se recueillir dans un coin tandis que la jeune hôtesse, rouges le jupon et les belles joues sous la coiffure vaporeuse passait et repassait. Faust était jeune et beau. En un jour comme celui-ci, depuis la petite salle tapissée, entre les ritournelles des orgues mécaniques et une décoration florale, depuis la petite salle j’entendais la foule s’écouler et les bruits sombres de l’hiver. Oh ! je me rappelle ! : j’étais jeune, la main jamais paisible appuyée pour soutenir le visage indécis, gracieux d’inquiétude et de fatigue. Je prêtais alors mon énigme aux apprenties couturières lisses et souples, consacrées par mon inquiétude du suprême amour, par l’inquiétude de mon enfance tourmentée assoiffée. Tout était mystère pour ma foi, ma vie était toute « une inquiétude du secret des étoiles, toute elle penchait au-dessus de l’abîme ». J’étais beau de tourment, inquiet, pâle assoiffé errant derrière les larves du mystère. Puis je m’enfuis. Je me perdis dans le tumulte des cités colossales, je vis les blanches cathédrales se lever amas énormes de foi et de rêve aux mille flèches dans le ciel, je vis les Alpes se lever encore comme de plus grandes cathédrales, et pleines des grandes ombres vertes des sapins, et pleines de la mélodie des torrents dont j’entendais le chant naissant de l’infini du rêve. Là-haut parmi les sapins estompés dans la brume, parmi les mille et mille crépitements les mille voix du silence dévoilée une jeune lumière parmi les troncs, par des sentiers de clartés je montais : je montais vers les Alpes, sur le fond blanc délicat mystère. Des lacs, là-haut entre les rochers de clairs étangs veillés par le sourire du rêve, les clairs étangs les lacs extatiques de l’oubli que toi Léonard tu figurais. Le torrent me racontait obscurément l’histoire. Moi figé entre les lances immobiles des sapins croyant par moments vagabonder une nouvelle mélodie sauvage mais triste peut-être fixais-je les nuées qui semblaient s’attarder curieuses un instant sur ce paysage profond et l’épier et s’évanouir derrière les lances immobiles des sapins. Et pauvre, nu, heureux d’être pauvre et nu, de refléter un instant le paysage tel un souvenir enchanteur et horrible au fond de mon cœur je montais : et j’arrivai et j’arrivai là jusqu’où les neiges des Alpes me barraient le chemin. Une très jeune fille dans le torrent lavait, lavait et chantait dans les neiges des blanches Alpes. Elle se retourna, m’accueillit, dans la nuit elle m’aima. Et encore sur le fond les Alpes le blanc délicat mystère, dans mon souvenir s’alluma la pureté de la lampe stellaire, brilla la lumière du soir d’amour.

Dino Campana, extrait des Canti Orfici, traduit par Irène Gayraud.

 

LA NOTTE (§ 14)

Faust era giovane e bello, aveva i capelli ricciuti. Le bolognesi somigliavano allora a medaglie siracusane e il taglio dei loro occhi era tanto perfetto che amavano sembrare immobili a contrastare armoniosamente coi lunghi riccioli bruni. Era facile incontrarle la sera per le vie cupe (la luna illuminava allora le strade) e Faust alzava gli occhi ai comignoli delle case che nella luce della luna sembravano punti interrogativi e restava pensieroso allo strisciare dei loro passi che si attenuavano. Dalla vecchia taverna a volte che raccoglieva gli scolari gli piaceva udire tra i calmi conversari dell’inverno bolognese, frigido e nebuloso come il suo, e lo schioccare dei ciocchi e i guizzi della fiamma sull’ocra delle volte i passi frettolosi sotto gli archi prossimi. Amava allora raccogliersi in un canto mentre la giovine ostessa, rosso il guarnello e le belle gote sotto la pettinatura fumosa passava e ripassava davanti a lui. Faust era giovane e bello. In un giorno come quello, dalla saletta tappezzata, tra i ritornelli degli organi automatici e una decorazione floreale, dalla saletta udivo la folla scorrere e i rumori cupi dell’inverno. Oh! ricordo!: ero giovine, la mano non mai quieta poggiata a sostenere il viso indeciso, gentile di ansia e di stanchezza. Prestavo allora il mio enigma alle sartine levigate e flessuose, consacrate dalla mia ansia del supremo amore, dall’ansia della mia fanciullezza tormentosa assetata. Tutto era mistero per la mia fede, la mia vita era tutta «un’ansia del segreto delle stelle, tutta un chinarsi sull’abisso» . Ero bello di tormento, inquieto pallido assetato errante dietro le larve del mistero. Poi fuggii. Mi persi per il tumulto delle città colossali, vidi le bianche cattedrali levarsi congerie enorme di fede e di sogno colle mille punte nel cielo, vidi le Alpi levarsi ancora come più grandi cattedrali, e piene delle grandi ombre verdi degli abeti, e piene della melodia dei torrenti di cui udivo il canto nascente dall’infinito del sogno. Lassù tra gli abeti fumosi nella nebbia, tra i mille e mille ticchettìi le mille voci del silenzio svelata una giovine luce tra i tronchi, per sentieri di chiarìe salivo: salivo alle Alpi, sullo sfondo bianco delicato mistero. Laghi, lassù tra gli scogli chiare gore vegliate dal sorriso del sogno, le chiare gore i laghi estatici dell’oblio che tu Leonardo fingevi. Il torrente mi raccontava oscuramente la storia. Io fisso tra le lance immobili degli abeti credendo a tratti vagare una nuova melodia selvaggia e pure triste forse fissavo le nubi che sembravano attardarsi curiose un istante su quel paesaggio profondo e spiarlo e svanire dietro le lancie immobili degli abeti. E povero, ignudo, felice di essere povero ignudo, di riflettere un istante il paesaggio quale un ricordo incantevole ed orrido in fondo al mio cuore salivo: e giunsi giunsi là fino dove le nevi delle Alpi mi sbarravano il cammino. Una fanciulla nel torrente lavava, lavava e cantava nelle nevi delle bianche Alpi. Si volse, mi accolse, nella notte mi amò. E ancora sullo sfondo le Alpi il bianco delicato mistero, nel mio ricordo s’accese la purità della lampada stellare, brillò la luce della sera d’amore.