Le début du poème est disponible ici : § 1-3, § 4-5, § 6-7, § 8-9, § 10-12, § 13, § 14.
LA NUIT (§ 15-16)
Mais quel cauchemar pesait encore sur toute ma jeunesse ? Ô les baisers les baisers vains de la si jeune fille qui lavait, lavait et chantait dans la neige des blanches Alpes ! (les larmes me vinrent aux yeux à ce souvenir). Je réentendais le torrent encore lointain : il grondait en baignant d’antiques cités désolées, de longues rues silencieuses, désertes comme après un saccage. Une chaleur dorée dans l’ombre de la chambre présente, une chevelure profuse, un corps râlant étendu sur le sol dans la nuit mystique de l’antique animal humain. La servante dormait oublieuse en ses rêves obscurs : comme une icône byzantine, comme un mythe arabesque blanchissait dans le fond la pâleur incertaine de la draperie.
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Et alors des figurations d’une très antique vie libre, d’énormes mythes solaires, de massacres d’orgies se créèrent devant mon esprit. Je revis une antique image, une forme squelettique vivante par la force mystérieuse d’un mythe barbare, les yeux gouffres changeants vivifiés de lymphes obscures, dans la torture du rêve découvrir le corps vulcanisé, deux taches deux trous de balles de mousquet sur ses mamelles éteintes. Je crus entendre frémir les guitares là dans la cabane de planches et de zinc sur les terrains vagues de la cité, tandis qu’une chandelle éclairait le terrain nu. En face de moi une matrone sauvage me fixait sans ciller. La lumière était faible sur le terrain nu dans le frémissement des guitares. À côté sur le trésor florissant d’une très jeune fille en rêve la vieille était maintenant agrippée comme une araignée et paraissait susurrer à l’oreille des paroles que je n’entendais pas, douces comme le vent sans paroles de la Pampa qui submerge. La matrone sauvage m’avait pris : mon sang tiède était sûrement bu par la terre : à présent la lumière était plus faible sur le terrain nu dans le souffle métallisé des guitares. Tout à coup la très jeune fille exhala sa jeunesse, languide en sa grâce sauvage, les yeux doux et aigus comme un gouffre. Sur les épaules de la belle sauvage s’alanguit la grâce à l’ombre des cheveux fluides et la chevelure auguste de l’arbre de la vie se trama dans le répit sur le terrain nu les guitares invitant au lointain sommeil. De la Pampa on entendit clairement un bond un piaffement de chevaux sauvages, on entendit clairement le vent se lever, le piaffement parut se perdre sourd dans l’infini. Dans l’encadrement de la porte ouverte les étoiles brillèrent rouges et chaudes dans le lointain : l’ombre des sauvages dans l’ombre.
Dino Campana, extrait des Canti Orfici, traduit par Irène Gayraud.
LA NOTTE (§ 15-16)
Ma quale incubo gravava ancora su tutta la mia giovinezza? O i baci i baci vani della fanciulla che lavava, lavava e cantava nella neve delle bianche Alpi! (le lagrime salirono ai miei occhi al ricordo). Riudivo il torrente ancora lontano: crosciava bagnando antiche città desolate, lunghe vie silenziose, deserte come dopo un saccheggio. Un calore dorato nell’ombra della stanza presente, una chioma profusa, un corpo rantolante procubo nella notte mistica dell’antico animale umano. Dormiva l’ancella dimentica nei suoi sogni oscuri: come un’icona bizantina, come un mito arabesco imbiancava in fondo il pallore incerto della tenda.
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E allora figurazioni di un’antichissima libera vita, di enormi miti solari, di stragi di orgie si crearono avanti al mio spirito. Rividi un’antica immagine, una forma scheletrica vivente per la forza misteriosa di un mito barbaro, gli occhi gorghi cangianti vividi di linfe oscure, nella tortura del sogno scoprire il corpo vulcanizzato, due chiazze due fori di palle di moschetto sulle sue mammelle estinte. Credetti di udire fremere le chitarre là nella capanna d’assi e di zingo sui terreni vaghi della città, mentre una candela schiariva il terreno nudo. In faccia a me una matrona selvaggia mi fissava senza batter ciglio. La luce era scarsa sul terreno nudo nel fremere delle chitarre. A lato sul tesoro fiorente di una fanciulla in sogno la vecchia stava ora aggrappata come un ragno mentre pareva sussurrare all’orecchio parole che non udivo, dolci come il vento senza parole della Pampa che sommerge. La matrona selvaggia mi aveva preso: il mio sangue tiepido era certo bevuto dalla terra: ora la luce era più scarsa sul terreno nudo nell’alito metalizzato delle chitarre. A un tratto la fanciulla liberata esalò la sua giovinezza, languida nella sua grazia selvaggia, gli occhi dolci e acuti come un gorgo. Sulle spalle della bella selvaggia si illanguidì la grazia all’ombra dei capelli fluidi e la chioma augusta dell’albero della vita si tramò nella sosta sul terreno nudo invitando le chitarre il lontano sonno. Dalla Pampa si udì chiaramente un balzare uno scalpitare di cavalli selvaggi, il vento si udì chiaramente levarsi, lo scalpitare parve perdersi sordo nell’infinito. Nel quadro della porta aperta le stelle brillarono rosse e calde nella lontananza: l’ombra delle selvaggie nell’ombra.