Ce texte constitue la deuxième partie de la section « La Nuit » des Chants Orphiques, et donc également la continuation du poème intitulé « La Nuit » qui ouvre cette section. Vous trouverez tous les liens de la traduction de ce premier poème sur la page du chantier autour de Dino Campana.
LE VOYAGE ET LE RETOUR (§ 1-2)
Montaient des voix des voix et des chants d’enfants et de luxure par les ruelles tordues dans l’ombre ardente à la colline à la colline. À l’ombre des réverbères verts les blanches colossales prostituées rêvaient des rêves vagues dans la lumière bizarre au vent. La mer dans le vent mêlait son sel que le vent mêlait et soulevait dans l’odeur luxurieuse des ruelles, et la blanche nuit méditerranéenne jouait avec les énormes formes des femmes entre les tentatives bizarres de la flamme pour s’extirper du creux des réverbères. Elles regardaient la flamme et chantaient des chansons de cœurs en chaînes. Tous les préludes s’étaient tus désormais. La nuit, la joie plus paisible de la nuit était descendue. Les portes mauresques se chargeaient et se tordaient de monstrueux prodiges noirs pendant que sur le fond le sombre bleu s’érodait d’étoiles. Solitaire trônait à présent la nuit embrasée de tout son fourmillement d’étoiles et de flammes. Devant comme une monstrueuse blessure s’enfonçait une rue. À côté des angles des portes, de blanches cariatides d’un ciel artificiel rêvaient le visage appuyé sur leur paume. Elle avait la pure ligne impériale du profil et du cou vêtue de splendeur opaline. D’un rapide geste de jeunesse impériale elle arrangeait son vêtement léger sur ses épaules au moindre mouvement et sa fenêtre scintillait dans l’attente jusqu’à ce que doucement les volets ne se ferment sur une ombre double. Et mon cœur était affamé de rêve, pour elle, par l’évanescente comme l’amour évanescent, la donneuse d’amour des ports, la cariatide des cieux d’aventure. Sur ses divins genoux, sur sa forme pâle comme un rêve sorti des innombrables rêves de l’ombre, entre les innombrables lumières fallacieuses, l’antique amie, l’éternelle Chimère tenait entre ses mains rouges mon antique cœur.
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Retour. Dans la chambre où écloses ses formes de voiles de lumière j’étreignis, un souffle s’attardant : et dans le crépuscule ma lampe première constelle encore mon cœur vague de souvenirs. Visages, visages dont rient les yeux à fleur de rêve, vous jeunes auriges par les voies du rêves que je guirlandais de ferveur : ô fragiles rimes, ô guirlandes d’amours nocturnes… Du jardin une chanson se brise en faible chaîne de sanglots : la veine est ouverte : aride rouge et doux est le panorama squelettique du monde.
Dino Campana, extrait des Canti Orfici, traduit par Irène Gayraud.
IL VIAGGIO E IL RITORNO (§ 1-2)
Salivano voci e voci e canti di fanciulli e di lussuria per i ritorti vichi dentro dell’ombra ardente, al colle al colle. A l’ombra dei lampioni verdi le bianche colossali prostitute sognavano sogni vaghi nella luce bizzarra al vento. Il mare nel vento mesceva il suo sale che il vento mesceva e levava nell’odor lussurioso dei vichi, e la bianca notte mediterranea scherzava colle enormi forme delle femmine tra i tentativi bizzarri della fiamma di svellersi dal cavo dei lampioni. Esse guardavano la fiamma e cantavano canzoni di cuori in catene. Tutti i preludii erano taciuti oramai. La notte, la gioia più quieta della notte era calata. Le porte moresche si caricavano e si attorcevano di mostruosi portenti neri nel mentre sullo sfondo il cupo azzurro si insenava di stelle. Solitaria troneggiava ora la notte accesa in tutto il suo brulicame di stelle e di fiamme. Avanti come una mostruosa ferita profondava una via. Ai lati dell’angolo delle porte, bianche cariatidi di un cielo artificiale sognavano il viso poggiato alla palma. Ella aveva la pura linea imperiale del profilo e del collo vestita di splendore opalino. Con rapido gesto di giovinezza imperiale traeva la veste leggera sulle sue spalle alle mosse e la sua finestra scintillava in attesa finchè dolcemente gli scuri si chiudessero su di una duplice ombra. Ed il mio cuore era affamato di sogno, per lei, per l’evanescente come l’amore evanescente, la donatrice d’amore dei porti, la cariatide dei cieli di ventura. Sui suoi divini ginocchi, sulla sua forma pallida come un sogno uscito dagli innumerevoli sogni dell’ombra, tra le innumerevoli luci fallaci, l’antica amica, l’eterna Chimera teneva fra le mani rosse il mio antico cuore.
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Ritorno. Nella stanza ove le schiuse sue forme dai velarii della luce io cinsi, un alito tardato: e nel crepuscolo la mia pristina lampada instella il mio cuor vago di ricordi ancora. Volti, volti cui risero gli occhi a fior del sogno, voi giovani aurighe per le vie leggere del sogno che inghirlandai di fervore: o fragili rime, o ghirlande d’amori notturni…. Dal giardino una canzone si rompe in catena fievole di singhiozzi: la vena è aperta: arido rosso e dolce è il panorama scheletrico del mondo.