
William Cowper
Écrite entre 1783 et 1785, The Task est l’œuvre la plus réputée du poète anglais William Cowper (1731-1800). L’argument du poème prête à sourire : l’auteur explique que son amie Lady Austen lui avait proposé d’écrire une épopée racontant l’histoire… du sofa ! Les premières centaines de vers du livre sont donc consacrées à une parodie épique, écrite dans un style pseudo miltonien, narrant les métamorphoses successives de ce qui fut le tabouret primitif et aboutit au confortable sofa. Toutefois Cowper s’est vite lassé de son sujet et aborde, dans la suite du poème (qui compte six livres de presque mille vers chacun), des sujets familiers, des méditations sur la nature et l’être humain, et cela dans une langue simple mais non naïve, limpide, agréablement affranchie du carcan de la poetic diction. La lecture de ce livre prouve à quel point Wordsworth a été influencé par Cowper, qui découvrit l’existence de The Task dans ses jeunes années, quand il étudiait à la grammar school de Hawkshead (on la visite encore aujourd’hui.) Dans l’extrait que voici, tiré du livre III, le poète écrit que le caractère oisif qu’on lui prête n’a d’oisif que le nom, et que profiter d’un bonheur domestique n’est pas une inutile tâche. L’activité du monde, « the fever and the fret », est une illusion dont il faut se détourner au profit de son intériorité. La difficulté à intégrer la sommation de productivité de son époque est aussi centrale pour Wordsworth, qui développe notamment dans « Expostulation and Reply » (1798) la notion de « wise passiveness ».
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Que sont variées les activités de celui que le monde
Dit oisif ; et qui à juste titre, en retour,
Trouve qu’aussi bien ce monde agité est oisif !
Des amis, des livres, un jardin, peut-être sa plume,
Une agréable besogne menée à la maison,
Et la nature, de sa parure la plus raffinée
Vêtue, selon son goût, l’invitant à l’extérieur—
Manque-t-il d’occupation, qui possède ces choses ?
Se montre-t-il oisif, qui de tout cela peut jouir ?
Moi, par conséquent, respectant un repos affairé,
Non paresseux ; heureux de tromper le temps,
Non de le gâcher ; et conscient que la vie humaine
N’est qu’un prêt qu’il faudra rembourser avec intérêt,
Quand il exigera de ses débiteurs qu’ils reconnaissent
De qui proviennent toutes nos bénédictions ; même ici l’activité
Se rencontre : tandis que persévérant je cherche à faire mûrir,
Au moins à ne pas négliger, ou laisser à l’abandon,
L’esprit qu’il m’a donné ; le conduisant, bien que trop souvent
Il soit mou, et fort empêché dans son progrès
Par des causes qu’il ne sera pas vain de révéler,
Jusqu’à son terme opportun—servir l’humanité.
Celui qui soutient son moi intérieur,
Qui a un cœur, et veille sur lui ; a un esprit
Qui a faim, et le nourrit ; et qui recherche
Une vie sociale, mais non dissolue ;
A de l’occupation ; se sent lui-même sommé d’accomplir
Une modeste mais silencieuse tâche.
Toute turbulence et bruit une vie peut paraitre
Sage et digne de louange à qui la mène ;
Mais la sagesse est une perle qu’avec plus de succès
L’on pêche dans une eau tranquille, et sous des cieux clairs.
Et qui toujours lutte avec les tempêtes,
Ou ne plonge pas vers elle, ne rapporte à la place,
S’étant vainement affairé, qu’un butin honteux.
Traduit par ©Maxime Durisotti, 2012
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How various his employments whom the world
Calls idle; and who justly in return
Esteems that busy world an idler too!
Friends, books, a garden, and perhaps his pen,
Delightful industry enjoy’d at home,
And Nature, in her cultivated trim
Dress’d to his taste, inviting him abroad—
Can he want occupation who has these?
Will he be idle who has much t’ enjoy?
Me, therefore, studious of laborious ease,
Not slothful, happy to deceive the time,
Not waste it, and aware that human life
Is but a loan to be repaid with use,
When He shall call his debtors to account,
From whom are all our blessings, bus’ness finds
E’en here: while sedulous I seek to improve,
At least neglect not, or leave unemploy’d,
The mind He gave me; driving it, though slack
Too oft, and much impeded in its work,
By causes not to be divulg’d in vain,
To its just point—the service of mankind.
He, that attends to his interior self,
That has a heart, and keeps it; has a mind
That hungers, and supplies it; and who seeks
A social, not a dissipated life;
Has business; feels himself engag’d t’ achieve
No unimportant, though a silent, task.
A life all turbulence and noise may seem
To him that leads it, wise, and to be prais’d;
But wisdom is a pearl with most success
Sought in still water and beneath clear skies.
He that is ever occupied in storms,
Or dives not for it, or brings up instead,
Vainly industrious, a disgraceful prize.
The Task, III, v. 352 sq.