Extrait de l’entrée du 7 octobre 1840

J’ai écrit, assez douloureusement, des essais sur divers sujets qui tiennent lieu, en quelque sorte, de justification, devant mon pays, de mon apparente oisiveté. Mais ce pauvre ouvrage s’est révélé chaque jour encore plus misérable, à mesure que je m’acharnais à l’achever. Mon génie semblait m’abandonner pour cet ouvrage si mécanique, cette froide présentation – prétendument sage – de pensées mortes. Lorsque j’écris une lettre à quelqu’un que j’aime, je ne manque pas de mots ou d’idées. Je suis plus sage que moi-même et lis ma feuille avec le plaisir de qui reçoit une lettre, mais ce que j’écris pour remplir les blancs d’un chapitre est sec et froid, de la grammaire et de la logique ; aucune magie là-dedans ; je ne souhaite pas revivre cela. Réglez avec vous-mêmes ce que vous me reprochez. Si je vous déplais, ne me demandez pas de vous plaire, mais faites en sorte de vous plaire à vous-mêmes. Ce que vous appelez mon indolence, la nature ne me la reproche pas ; les feuilles qui scintillent, les troupes de mouches qui voguent, le vaste ciel, m’aiment bien assez et me connaissent, quant à eux. Auprès d’eux, je ne connais aucune gêne, aucun manque d’assurance, aucun remords ; c’est auprès d’eux que j’entends rester. Vous pensez que c’est parce que j’ai un revenu qui me dispense de votre travail quotidien, que je perds (ce sont vos mots) mon temps à contempler le soleil et à contempler les étoiles. Vous ne me connaissez pas. Si mes dettes finissent par consumer – ce qu’elles menacent de faire – l’argent dont je dispose, je vivrai exactement comme je le fais aujourd’hui : je mangerai de la moins bonne nourriture, je porterai un manteau plus rude, et je me promènerai dans un lopin de pommes de terre au lieu d’aller dans les bois – mais c’est moi, et non mes mille deux-cents dollars, qui aime Dieu.

Nous sentons que tous les traits remarquables d’un paysage, qui de temps à autre saisissent l’œil et le ravissent, comme, par exemple, une vaste perspective dans les bois, des arbres le long d’un lac touchant presque l’eau, une longue portion de fleuve, une double ou triple rangée de collines ou de montagnes que l’on voit l’une au-dessus de l’autre, et toutes les choses de ce genre qui ont fortement affecté notre imagination, doivent constituer la rhétorique de quelque pensée non encore isolée pour l’esprit conscient.

Traduit de l’anglais par ©M. Durisotti, 2014

Oct. 7, 1840

I have been writing with some pains essays on various matters as a sort of apology for my apparent idleness. But the poor work has looked poorer daily as I strove to end it. My genius seemed to quit me in such a mechanical work, a seeming wise,—a cold exhibition of dead thoughts. When I write a letter to any one whom I love, I have no lack of words or thoughts: I am wiser than myself & read my paper with the pleasure of one who receives a letter, but what I write to fill up the gaps of a chapter is hard & cold, is grammar & logic; there is no magic in it; I do not wish to see it again. Settle with yourself your accusations of me. If I do not please you, ask me not to please you, but please yourself. What you call my indolence, nature does not accuse; the twinkling leaves, the sailing fleets of water-flies, the deep sky, like me well enough and know me for their own. With them I have no embarrassments, diffidences or compunctions; with them I mean to stay. You think it is because I have an income which exempts me from your day-labor, that I waste (as you call it) my time in sun-gazing and star-gazing. You do not know me. If my debts, as they threaten, should consume what money I have, I should live just as I do now: I should eat worse food, and wear a coarser coat, and should wander in a potato patch instead of in the wood, but it is I, and not my twelve hundred dollars a year, that love God.

We feel that every one of those remarkable effects in landscape which occasionally catch and delight the eye, as, for example, a long vista in woods, trees on the shore of a lake coming quite down to the water, a long reach in a river, a double or triple row of uplands or mountains seen one over the other, and whatever of the like has much affected our fancy, must be the rhetoric of some thought not yet detached for the conscious intellect.